marzou ADMIN
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| Sujet: LE TARGUI ET LA FIANCEE DE CHAAMBI (légende touareg) Mar 14 Oct 2008 - 20:13 | |
| LE TARGUI ET LA FIANCÉE DE CHAAMBI. Les Touareg et les Chaamba, deux races également pillardes, font un échange perpétuel de razzias dont la balance est tantôt en faveur des uns, tantôt au profi t des autres.
Dans une incursion des Berbers voilés, la fiancée d’un jeune Chaambi fut enlevée et emmenée dans les montagnes de Hoggar, non loin de la limite septentrionale du Soudan. Depuis cette fatale aventure, le Chaambi était poursuivi des railleries impitoyables des hommes et des mépris écrasants des femmes qui lui reprochaient sans cesse de s’être laissé ravir un bien si précieux.
Cela fut poussé si loin que le pauvre diable, n’y pouvant plus tenir, prit la résolution d’aller reprendre sa fiancée. « Je la ramènerai ici, dit-il à ses compatriotes, ou vous ne me reverrez jamais. » Monté sur un méhari des plus rapides, il arriva assez promptement aux environs de l’endroit où des renseignements lui avaient indiqué l’habitation du ravisseur. Il y fit la rencontre d’un berger qu’il décida, par le don d’une assez bonne somme, à aller trouver la jeune fille et à lui dire qu’un de ses parents était venu pour la ramener dans son pays, et qu’elle eût à indiquer un lieu favorable où ils pourraient se concerter.
« Je n’ai pas de parents, répondit la fi ancée de Chaambi, et te n’ai besoin de me concerter avec personne. »
Un nouveau cadeau décida le berger à faire un nouveau message, et la promesse d’une troisième libéralité l’avait rendu si éloquent qu’il obtint, enfin, un entretien pour le Chaambi. Mais en vain celui-ci invoqua-t-il les promesses échangées, l’ancienne affection, les sentiments de parenté et de patrie, la fiancée ne voulut rien entendre. Ce que voyant le Chaambi, il résolut d’employer la force, et, aidé par le berger, il obligea la jeune fille à monter sur le méhari. Car si ce n’était déjà plus pour lui une entreprise d’amour, c’était an moins une affaire d’amour propre ; et il tenait à la ramener, n’importe comment, pour reconquérir l’estime de ses compatriotes.
Après une bien longue marche, il fallut s’arrêter auprès d’un puits pour se désaltérer et pour rafraîchir la monture. Ce puits était un peu profond et le Chaambi ne put y descendre qu’en plaçant les pieds dans des trous ménagés à cet effet. Mais, à mesure qu’il tendait le vase plein à sa compagne de route, celle-ci le vidait sans y toucher et redemandait toujours de l’eau, prétendant être tourmentée d’une soif inextinguible. C’est que la rusée jeune fille avait aperçu un point noir tacher l’horizon du côté du Sud et son coeur avait deviné que c’était le beau Targui qui lui avait fait oublier si complètement son fi ancé du Nord.
En effet, quelques heures après l’enlèvement de sa femme, le Targui avait appris l’aventure et s’était mis aussitôt à la poursuite du ravisseur. Le Désert est indiscret pour qui sait l’interroger, et il laisse lire bien des choses sur ses pages de sable. Notre homme y avait vu distinctement les traces qui pouvaient le guider et c’est ainsi qu’il était arrivé jusqu’au bord du puits avant que le Chaambi en soit sorti, grâce à la ruse infernale que nous avons rapportée. Le pauvre fiancé, ainsi pris au piège, fut lié solidement par son rival qui s’étendit sans façon auprès de lui, et commença un repas cent fois interrompu par tout ce que peuvent avoir à se dire deux époux qui s’aiment et se retrouvent après avoir craint d’être séparés pour toujours.
Cependant, las de parler, de manger, et la chaleur du jour aidant, le Targui finit par s’endormir à côté de sa complice. Le Chaambi supplia alors sa fiancée de lui délier seulement les mains dont il souffrait horriblement, l’assurant qu’il lui pardonnerait tout le passé si elle consentait à lui rendre ce léger service. Il était si bien attaché du reste, que cela semblait sans aucun danger, de sorte que la jeune fi lle, entraînée peut être aussi par le sentiment de pitié que les femmes refusent rarement à ceux qui les aiment à la fureur, même quand elles ne veulent pas partager leur amour, la jeune fille fit ce qu’il lui demandait. A cette première imprudence, elle ajouta celle de se laisser aller au sommeil à son tour.
Le Chaambi profita si bien du bénéfi ce des circonstances, qu’il ne tarda pas à se trouver libre de tout lien. Alors, sans perdre de temps, il saisit le large sabre du Targui et lui coupe la tête avec son arme ; puis il éveille la belle qu’il force à remonter sur le méhari. Quelques jours après, il rentrait au Douar avec elle, n’ayant pas oublié d’apporter la tête du ravisseur comme trophée et pièce de conviction. Il rassembla alors les parents de sa fiancée et les siens, et leur raconta de point en point tout ce qui s’était passé.
On devine le dénouement : la perfide, qui avait renié son amour et sa tribu, fut condamnée à mort, et ses propres frères se chargèrent de l’exécution. Il va sans dire que les hommes ne se moquèrent plus du fiancé et que les femmes, bien loin de lui continuer leurs mépris, s’appliquèrent à lui faire oublier la trahison. Source : Revue Africaine - Volume I - 1856- p 309 - 311. |
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