Fellag, le pitre contre le pire
Les Algériens sont tous des mécaniciens, ou comment rendre hilarants les désastres du quotidien.
Il paraît que le rire est le remède à la crise. Pour ce qui est des relations entre les Algériens et les Français, on peut être tranquilles, Fellag fait le boulot. Dans la grande salle du Théâtre du Rond-Point, à Paris, les natifs de Tizi Ouzou, de la Casbah d’Alger ou les résidents de la rive gauche à Paris, de Saint-Denis, en banlieue, se gondolent à intervalles réguliers durant une heure trente. C’est à se demander qui s’amusent le plus des premiers qui rit d’eux-mêmes et de « leur » cher pays ou des seconds fondant d’affection devant tant de drôlerie de leurs chers « ennemis » d’outre-Méditerranée.
Tous les Algériens sont des mécaniciens, le dernier spectacle du Kabyle, démarre à cent à l’heure. Une roue de voiture traverse seule, aller— retour, l’immense plateau. Impossible de ne pas songer à la fameuse scène de la Reine des pommes, de Chester Himes, où les célèbres flics Ed Cercueil et Fossoyeur voient un pneumatique dévaler une rue en pente de Harlem. Alger n’est pas New York, mais le système D n’a pas de patrie pour les fauchés.
Fellag joue dans un décor de linge qui sèche. Le drap blanc laisse imaginer Alger ou le rideau de douche derrière lequel coule d’une éprouvette un goutte-à-goutte. Les trouvailles de la mise en scène sont littéralement calquées sur les trouvailles de la vie populaire.
Tous les peuples ont leur(s) comique(s). Mais les Algériens battent, sans doute, tous les records. Le pire trouve toujours son pitre. Une bagnole tombe en panne et voici ce petit peuple en butte à toutes les vicissitudes s’agglutiner autour pour y aller de ses conseils. « Le moteur d’une voiture, dit Fellag, est le seul endroit du pays où la démocratie s’exerce en toute liberté, égalité, fraternité. »
Et les Chinois ! Il faut entendre Fellag délirer sur ces travailleurs infatigables que les Algériens, non encore atteints par le syndrome de la fourmi, observent ébahis. Trop forts ces bosseurs venus d’Extrême-Orient, même pour la langue : « En trois-quatre ans, ils apprennent l’algérien quand les Français n’y sont pas parvenus en cent trente ans au point qu’au moment de partir ils n’ont pas pu dire au revoir… »
Le spectacle est fait de ces flèches poilantes reliées par des scènes qui s’étirent parfois un peu en longueur, notamment avec sa partenaire Marianne Epin, mixte d’Algéroise, pied-noir et Arabe. On comprend le succès, Fellag est un traité d’amitié franco-algérien à lui tout seul. Les chefs d’État qui se courent après devraient, un jour, en faire l’arbitre.
Les Algériens sont tous des mécaniciens. Paris, Théâtre du Rond-Point.
Tous les jours à 18 h 30, sauf les lundis.
Réservations au 01 44 95 98 21 .