Grande Bretagne: des squatters transforment une île en vitrine du développement durable





"On squatte pas pour le plaisir de squatter". Depuis deux mois, des Robinson écolos occupent une petite île de la Tamise à Londres, mais dans un but bien précis: prouver qu'il est possible de vivre selon les principes du développement durable.

"C'est pas un paradis à hippies ou quelque chose comme ça": chapeau haut de forme mauve réhaussé d'une plume blanche, barbe hirsute et tee-shirt marqué "Eco-pirates", "Rick" a la parfaite panoplie du beatnik.

Mais l'écolo de 28 ans a plutôt l'attitude d'un homme d'affaires que d'un doux rêveur. Les pieds fermement sur terre et le portable accroché à l'oreille, il pianote frénétiquement sur son agenda électronique, jonglant entre un rendez-vous "important" et une tâche "urgente".

C'est que sur l'île de Raven's Ait, on n'est pas là pour s'amuser, comme le prouve une affiche à l'entrée du bâtiment principal: "Pas d'alcool, pas de drogue".

Sur la langue de terre de 300 m de long et 50 de large, une société y organisait des "mariages et conférences". Mais elle a été emportée par la faillite en novembre et c'est une île inoccupée, avec ses cuisines et salles de restauration à l'abandon, qu'un écolo découvre le 22 février lors d'une balade en péniche.

Nombre de squatters auraient saisi l'aubaine pour tenir la "rave du siècle". "Ca nous est passé par l'esprit", avoue Rick. Mais les nouveaux occupants décident plutôt de transformer Raven en une sorte d'appartement-modèle du développement durable.

Les écolos veulent se couper du monde du gaspillage et vivre en autarcie: énergie éolienne ou marémotrice, agriculture bio, permaculture... Le projet est ambitieux.

Pour l'instant, un seule et minuscule éolienne a été installée. Et la vingtaine d'occupants restent branchés sur le réseau électrique classique (qu'ils paient). Mais "on s'crève le cul", assure Rick. "On squatte pas pour le plaisir de squatter", confirme Assia, une Française de 22 ans.

Le projet d'"île durable" a fait l'objet d'une proposition auprès de Kingston-Upon-Thames, dont dépend Raven's Ait. Mais rien "ne sera discuté tant que (les squatters) seront sur l'île", avertissent les autorités, rappelant que les occupants sont sous le coup d'un ordre d'expulsion.

Les squatters répondent qu'ils sont les "gardiens" de l'île. "On veut la préserver des intérêts privés et la rendre au public", assure Sirius Green, un des leaders de la communauté. Une chaîne d'hôtel voudrait s'en emparer, selon les squatters. La mairie confirme avoir été contactée par "des sociétés", sans en dire plus.

Les Robinson assurent par ailleurs avoir d'"excellents rapports" avec le voisinage huppé de l'île. Raven's Ait est à un battement d'ailes du prestigieux palais de Hampton's Court et des yacht clubs cossus de Kingston. "Ils n'ont rien à faire là", lâche un membre.

Contre ce qu'ils considèrent comme de l'ostracisme, les écolos ouvrent grandes leurs portes. Il suffit ainsi à n'importe quel curieux de faire signe depuis la rive opposée pour voir arriver une barque offrant la visite de Raven's Ait.

Sur la "Queen's Promenade", un sentier verdoyant qui longe la Tamise face à l'île, rares sont les gens qui osent vitupérer contre les "hippies". "Ils rendent service à la communauté", estime une jeune mère de famille.

Pour contrer l'ordre d'expulsion, les squatters assurent qu'ils partiront d'eux-mêmes si Raven est remise à une organisation communautaire locale, explique Sirius. Mais la conversation est vite interrompue par un hélicoptère de la police qui tournoie lentement au-dessus de "l'île de la révolution", rappelant les termes sans ambages de la municipalité: "nous sommes déterminés à reprendre possession de Raven's Ait".



source:aufait.maroc