A la mémoire de mon ami !
Il m'a fallu beaucoup de silence pour me retrouver bouche bée et esprit engourdi. Il m'a fallu du temps pour regénérer ma solitude.S'ajoutent à mes lamentations, l'éloignement de certains amis.
Ma situation, me prive lentement de mes ambiances quotidiennes. Une logique que je connaissais superficiellement, s'ancre en moi profondèmment, et, sans ménagement décortique, analyse et critique le simple mot dit à quiconque, démontre les erreurs faites involontairement ou encore des banalités occasionnées, semblant nuire à autrui.
Le lieu où je me rendais souvent d'un temps à l'autre, dans la contrée où je suis né, lui aussi a changé; pas de structure ou de paysage, mais des sensations sublimes et spirutulles qui hantent et envahissent tous êtres vivants conscients ou inconscients de leur présence. Chose étrange que chacun ressent, voit et vit l'égrenage de ses jours, tantôt gai, tantôt mélancolique selon la situation de son entourage et les circonstances de vie.
Mon ami m'a quitté pour l'autre vie. Devant sa tombe, accroupi et résigné, je me suis parlé à lui: " Ô Mohamed ! As-tu trouvé ce que ton Dieu t'avait promis ! Je suis certain que oui ! Notre Dieu est Clément pour les vivants, et Miséricordieux pour ceux qui sont retournés à Lui". Entre espoir et émotion, j'avais promulgué quelques mots qui me semblaient pieux et je l'ai quitté.
En revenant du cimetière, je regardais de loin la maison de mon défunt ami. Je voyais des hommes, des femmes et enfants qu' y entraient ou sortaient, tristes et affairés, pour rendre les condoléances à la famille chagrinée.
Je marchais à pas lent et nonchalent, sans bût décidé, ni pressé ni hatif comme en ce jour lui-même qui n'était ni chaud ni froid, le vent doux et modéré, le soleil à mi-clos traversant des nuages ni sombres ni blancs mais teintés de couleurs dorées que projette le ciel austère vers la soirée. Instinctivement, je marchais vers la maison de mon ami, comme le temps où il m'attendait pour manger, boire et discuter.
Ses deux enfants venus à ma rencontre, à mi-chemin m'ont éveillé de mes songeries: le garçon âgé de 9 ans prenait la main de sa soeur de 5 ans, l'air hautain, cachant leur profonde tristesse que la jeunesse sait dissiper. Ils me souriaient avec innocence et me saluaient. De ma part, je faisais double efforts pour afficher mon triste sourir et dit: " Tiens ! vous êtes là !" La fille me demanda si son père reviendra. Ne sachant quoi répondre j'avais dit: "Ton père est au paradis". Ma réponse étais incomprise, elle me demandait: " Où se trouve le paradis?".
En cette rencontre, mon âge semblait s'associer à leur âge, et comme nous sommes devenus, enfants, adolescents, parents; même les ombres de ceux qui nous ont quitté semblaient planer dans l'air, ou se déplaçaient parmi les nuages. J'entendais dire que "les âmes de ceux qui nous sont chers viennent s'abrevoir de l'amour que nous leur préservons dans nos coeurs". Je présume que tout est relatif à la pensée, tout est réel suivant les conceptions et leurs faits.
Pour changer cette ambiance éphéméraire, je déposais la fille de mes bras, je me tenais au milieu d'eux, et leur disais: " Allons les enfants ! Courons pour voir qui arrivera à la maison le premier?". "Wéeee ! disaient-ils".
Durant notre course, une pierre m'a fait tétuber; les enfants s'arrêttèrent et riaient, je me redressais, les regardais et les trouvais radieux, et d'un vrai et franc rire j'avais ri. A l'orée de la maison, une tente en plein air fut dressée: des hommes sur chaises, d'autres sur nattes ou tapis, étaient assis.
Après lecture des versets du Coran par des "Fkihs" érudits, des prières dites par des hommes éclairés, des grands plats de couscous chauds ont été servis. Nous mangeâmes d'abord silencieusement, puis la nouriture faisant ses effets: les fatigues de la journée s'estompaient, les tristes mines peu à peu se réjouissaient, commençant à discuter bassement, puis normalement. Nécessité de manger et boire qui nous prouve qu'encore nous vivons.
Le demain reprendra son cours normal pour certains, encore nécessité de continuité et obligation de marcher vers la destinée où chacun, un jour sa vie sera terminée, et vers Dieu Clément et Miséricordieux, l'âme sera à Lui acheninée.
Astroide