"Dégage" : un livre fort et émouvant sur la révolution tunisienne
"Dégage", mot d'ordre symbolique de la révolution tunisienne, est devenu un livre foisonnant où une centaine d'acteurs du mouvement témoignent de ces 29 jours qui ont abouti le 14 janvier au départ de Ben Ali : des sourires, des larmes et des paroles enfin libérées.
Rédigé par un collectif, "Dégage" (Editions du Layeur) a été conçu en Tunisie, par des Tunisiens, réunis dans ce projet par l'éditeur tunisien Alif qui s'est appuyé sur un appel à témoigner.
Certains ont refusé "par frilosité", ce que déplore l'éditeur, mais cent personnes ont répondu, anonymes ou figures du mouvement.
Ainsi, le blogueur Slim Amamou, devenu secrétaire d'Etat après avoir été arrêté et torturé psychologiquement raconte : "Ils te font croire qu'ils sont en train de torturer tes parents, ta famille, tes amis, avec du bruitage, des agents qui courent dans les couloirs...".
Il aura fallu moins d'un mois pour que l'une des dictatures policières les plus solidement installées s'effondre. Ce qui était au départ une mobilisation des jeunes des villes oubliées de Tunisie, après le suicide de Sidi Bouzid, va se transformer en lame de fond, embrasant un peuple tenu au silence pendant 23 ans.
C'est à ce peuple que ce livre passionnant donne la parole. Il fait aussi la part belle à l'iconographie, aux rappels historiques et à de nombreuses photos significatives du mois de mobilisation, prises pour la plupart par le journaliste Mohamed-Salah Bettaïeb.
On y voit affichés sur des pancartes, les murs, un landau, des chapeaux : "Dégage !", "Nous n'avons plus peur !", "Attention peuples inflammables !"
Les photos des martyrs aussi. Un médecin témoigne : l'hôpital ressemblait "aux images que j'avais vues des urgences de Falloujah en Irak".
Partout encore, la foule, l'émotion des visages de ces milliers de manifestants, paysans pauvres, jeunes diplômés déclassés, femmes...
Les lieux symboliques : l'avenue Habib Bourguiba, la place de la Kasbah, sans oublier les manifestations contre le nouveau gouvernement et la vague de terreur après le 14 janvier.
Des dessins de presse, des extraits de blogs et de discussions des réseaux sociaux, des Une de journaux étrangers censurés complètent ce livre.
Et tous attendent avec espoir les élections de juillet.
"Dégage. La révolution tunisienne" — Ouvrage collectif — Editions du Layeur, éditions tunisiennes Alif, avec France Info — 240 p. — 24,50 euros