Salam

voici une nouvelle que ma maîtresse a écrite il y a fort longtemps pour un concours d'écriture. Le thème était le mot "ROUGE". Normal que le thème l'ait inspiré, et si je me souviens bien, elle s'en était pas si mal sorti!
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Citation :

ROUGE

On nous avait promis le paradis, on nous avait dit que la vie serait meilleure, que l’on aurait un statut, un bon salaire, une position sociale intéressante, mais surtout et avant tout que l’on ne vivrait plus dans la misère. C’était au café il y 28 ans que des Ghouri* étaient venus nous proposer cela. Ils embaucheraient que les meilleurs, assuraient toutes les formalités de VISA, d’hébergement, d’assurance et tout et tout. Les places étaient limitées. Mais comme ils disaient, ça serait l’occasion de notre vie. Je m’y suis présenté, mon sac sur l’épaule avec mes quelques biens que je possédais. Ma mère a juste pleuré silencieusement sous son voile noir qu’elle portait depuis que mon père avait quitté ce monde. Je me suis senti coupable. Mais après je me suis souvenu que les Ghouris* avaient dit que l’on pouvait faire venir sa famille ensuite.

Quel sot j’étais ! J’étais jeune, désinvolte, beau garçon, je partais à l’aventure, et je fus parmi les privilégiés. Déjà, dans le quartier, j’étais devenu quelqu’un ! Je n’étais plus le petit fils de tailleur ! J’allais partir à l’étranger. Il me fallut pour cela prendre le train pour aller à la prochaine ville portuaire. Le voyage était long, le soleil brûlait, mais pour quelle merveilleuse récompense ! Nous étions une centaine à embarquer sur le « Djingis Khan », le navire qui allait nous emmener à Marseille. Quand le bateau a quitté le port, j’ai vu au loin ma mère, vêtues de noir, qui se tenait à l’écart de la foule joyeuse qui saluait ses aventuriers qui partaient pour des horizons meilleurs. Seul mon petit frère que ma mère tenait par le bras me fit un signe hésitant de la main en me cherchant des yeux. Ils avaient donc fait eux aussi ce long voyage difficile pour me dire au revoir. C’est le seul moment où je me souviens avoir ressenti des regrets, mais déjà des camarades m’entraînaient pour voir l’horizon infini de l’océan qui nous promettait un meilleur avenir.

J’ai longtemps travaillé dans le port de Marseille. Cela me changeait des risibles travaux que je faisais dans la médina. J’étais bien payé, j’avais des amis et imaginez, j’avais de l’électricité et de l’eau courante ! Du moins le pensais-je.

Un jour, cela faisait trois ans que je vivais confortablement dans mon petit studio près des Docks, j’ai rencontré Isabelle. Comme son nom l’indique Isabelle est belle. Elle avait des longues boucles blondes, ce qui contraste beaucoup avec les filles brunes de mon pays. Elle travaillait comme secrétaire dans la société qui m’employait. Normalement je n’aurais jamais du la rencontré, mais la baraka, hamdoulilah a fait que mon maître de chantier m’a demandé d’aller chercher des documents à signer qu’il avait oublié au bureau. Ce fut le coup de foudre immédiat pour nous deux. On se voyait en cachette, car en Islam il est interdit de fréquenter des filles avant le mariage. Ca la faisait toujours rire aux éclats. Puis, je me suis acheté une chemise jaune et une jolie cravate à carreaux avec une avance de ma paye. J’ai lavé ma veste. C’était la meilleure de mon père. J’ai pris une boîte de chocolat, des fleurs pour Madame et mon courage à deux mains et je suis allé voir son père. Quand il m’a ouvert la porte et écouté mon message, il a eu juste une phrase : « Ma fille n’épouseras jamais un sale immigré qui fait les besogne de notre pays, qui en plus est pauvre ! ». Puis il m’a refermé la porte au nez. Isabelle n’est jamais revenu travailler et je ne l’ai jamais revu. Voilà ce que j’étais pour ce pays qui m’avait promis le paradis !

Heureusement pour moi, je n’avais jamais parlé de ça à ma famille. D’ailleurs, si j’avais des nouvelles de ma famille, c’était à travers mon petit frère. Il allait au café chez Hassan quand on fixait rendez-vous et je lui téléphonais. J’ai appris que ma mère m’avait trouvé une fille, une cousine éloignée qui souhaitait épouser un garçon de bonne famille avec une fortune. Ainsi c’est donc ça que je suis devenu chez moi. Un garçon de bonne famille avec une fortune, moi Hamid, le garçon des rues, fils de tailleur et porteur d’eau.
La seule condition à ce mariage était que je vienne me présenter avec une dot pharamineuse. Moi qui arrivait à peine à joindre les deux bout avec ce qui me restait de mon misérable salaire alors que j’en avait déjà envoyé à ma famille. Je décida de travailler encore plus dur. Chez nous, une femme capricieuse vaut mieux que pas de femme. Je ne dormais plus la nuit, et je croulais sous la fatigue. Ma future épouse a fini par réussir à me joindre et me harcelait : « Quand est-ce que tu viens avec ta dot pour m’épouser ? » Moi je lui répondais : « Bientôt inch’Allah » mais j’en étais de moins en moins convaincu. Un jour j’ai fini par ne plus prendre ces appels. Mon frère m’a appris que ma mère m’a maudit.

Effectivement,je ne me suis jamais marié. Lui a de la chance, il a épousé une jolie fille de Salé. Mais lui aussi, ses appels sont devenus de plus en plus rares jusqu’à cesser définitivement un jour. J’ai continué à leur envoyer des sous. Mon paradis s’était transformé en enfer. Mais que faire ? Rester ici et travailler comme un chien, ou retourner chez moi dans ma ville ou j’aurais la honte, car je n’aurais pas réussi à tirer profit de la baraka qui m’était tombé dessus ? Je ne suis jamais retourné chez moi, par crainte ou par fierté,je ne sais pas. Ma famille quand à elle n'est jamais venue me rejoindre. "Ce n'est pas possible" m'at-on dit, "vous n'êtes pas chez vous ici". De toute facon, qui sait? Celà aurait peut-être tué ma mère.

Mais il y a 10 ans, j’ai changé de métier. J’ai travaillé dans une teinturerie. Le salaire était meilleur. Ma patronne une femme sévère mais juste qui a fini par me donner la gérance de sa boutique. Ainsi j’ai réussi à faire quelques économies en plus de ce que j’envoyais à ma mère. Mon enfer est terminé. J’ai ramassé mes quelques affaires, guère plus que ce que j’avais en venant, j’ai pris le train jusqu’à Al Gesiras, puis le bateau jusqu’à Tanger. Et là je me trouve dans le train pour rentrer chez moi, vers mon paradis. Tant pis pour la honte. Mon frère m’avait appris que le café de Hassan avait fermé, le pauvre vieux ayant eu une bouteille de gaz qui lui est tombé sur la jambe et l’a brisée en mille morceaux. Je le rachèterais avec mes économies et j’ouvrirais un café. Je le baptiserais « La belle Isabelle ».

Voilà déjà dix heures que je suis dans ce train peu confortable et qui bouge beaucoup. Nous avons traversé desvilles, des déserts, des montagnes, des plaines. Mon pays a beaucoup changé, mais pourtant est resté le même. Jamais ma descendance foulera de ces pas cette terre. Et là, je le vois, je suis à la maison. Enfin, a 53 ans je le revois pour la première fois: Le rouge, mon rouge, le sang de la terre qui a teint les maisons de ma ville, le ROUGE de Marrakech, ce rouge de l'enfer.Mais serait-ce leparadis?


*étranger, homme blanc en arabe dialectal marocain

Merci de respecter l'auteur et de ne pas reproduire le texte sans son autorisation!

J'aime énormément. Rien de plus à dire.

ça me fait presque chialer

C'est tellement beau et profond

Cela arrive souvent ce genre de mésaventures...
les jeunes partent, ils croient trouver l'eldorado, ils se retrouvent à 4 ou 5 dans un studio...travaillant du matin au soir sept jours sur sept...avec un salaire de misère souvent payé au black...
aprés avoir tout payé, ils ne leur restent rien...
Meme pas dequoi retourner au bled...si j'avais des million s dans ma main, j'aurais monter pleins de projets pour ces jeunes pour qu'ils puisssent travailler dans leur pays d'origine et dans la joie d'avoir leur famille prés d'eux car souvent dans ces cas désespérés la dépression les guette...
Mais bon je n'ai pas des millions, je fais de mon mieux pour aider mes oncles et tantes en Algérie mais bon pas assez à mon goût...

à bientôt

fatiha34