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.: EGYPTE :.

Difficile de surmonter l’intolérance religieuse - Par Kamal Ghobrial
Shafaf
:: dimanche, le 15 octobre 2006
Des Egyptiens ont créé un groupe pour protester contre les discriminations. Mais ils ne prêchent pas tous par l’exemple, constate un intellectuel copte.
Il y a quelque temps, un groupe dénommé “Musulmans contre les discriminations religieuses” a été créé au Caire par des intellectuels qui voulaient protester contre les discriminations à l’égard de leurs concitoyens coptes. Ensuite, le groupe a changé de nom pour s’appeler “Egyptiens”, et non plus musulmans, “contre les discriminations religieuses” afin de se battre contre toutes les formes de discrimination, quelle qu’en soit l’origine et quel que soit le groupe visé. Depuis, il croule sous les demandes d’adhésion de la part d’intellectuels égyptiens vivant dans le pays ou de ceux de la diaspora, de diverses obédiences intellectuelles, politiques et religieuses. Il est vrai que rares sont ceux qui peuvent s’opposer à un mot d’ordre aussi général. Pourtant, cela n’empêche pas ce groupe de connaître de plus en plus de divisions et de scissions internes.
Ce qui lui pose problème, c’est un mal qui affecte l’ensemble du Moyen-Orient, c’est-à-dire le sectarisme et l’intolérance, qui tôt ou tard aboutissent à la haine d’autrui, principal moteur de nos élites intellectuelles. Tout d’abord, certains Coptes ont adhéré à ce groupe dans le but de faire avancer des causes qui n’ont rien à voir avec la tolérance dont ils se réclament. Ils voulaient demander justice à autrui [aux musulmans] tout en faisant preuve de mépris à l’égard des musulmans. Ils prêchaient ainsi la tolérance tout en pratiquant le sectarisme. En règle générale, ce discours est rare parmi les Coptes d’Egypte et ne se rencontre que parmi ceux de l’exil, qui aiment brosser un tableau exagérément catastrophiste de la situation de leurs coreligionnaires restés au pays et décrire les musulmans comme des fanatiques en puissance, loin de la réalité au quotidien.
Ni les exterminer, ni les jeter à la mer
Ce problème n’est pas encore résolu qu’en apparaît un autre. Il s’agit d’adhérents qui prêchent l’intolérance non pas entre Egyptiens [musulmans et coptes], mais à l’égard des juifs et des Israéliens. Et, comme l’intolérance est un état d’esprit général qui dévore tout entier celui qui y cède, il n’est pas étonnant qu’aussitôt ils aient étendu leur haine à tous les Egyptiens partisans de la paix avec Israël. Certes, l’Etat hébreu n’a rien à voir avec les objectifs affichés du groupe, mais cela prouve que la tolérance ne saurait être partielle et sélective.
Avec cet Etat, les problèmes ne peuvent être résolus qu’à travers une approche rationnelle, une exigence de tolérance et un désir d’apaisement. On ne mettra un terme aux guerres qui ravagent la région depuis plus d’un demi-siècle qu’à condition de faire sentir aux Israéliens que nous les acceptons, que nous souhaitons vivre en paix avec eux, au bénéfice de tous les enfants de la région, et que nous ne comptons ni les exterminer, ni les jeter à la mer, ni nous attirer des grâces divines en versant leur sang.
Il est facile de mettre tout le monde d’accord sur des généralités de justice, de liberté, d’égalité, de tolérance, etc. Il est facile de se dire favorable à la paix, mais alors il faut accepter d’en tirer toutes les conséquences. Néanmoins, le diable se cache dans les détails de l’application concrète, et les bons sentiments ne résistent pas toujours à l’examen pratique. Comment croire, par exemple, un chrétien orthodoxe qui se dit tolérant à l’égard des musulmans, mais qui est par ailleurs intolérant à l’égard des protestants ou des catholiques ? Comment croire un musulman sunnite qui se dit tolérant à l’égard des chrétiens, mais se montre sectaire à l’égard des chiites ou haineux à l’égard des juifs ? Bref, on est encore loin d’une véritable culture de la tolérance. C’est pourquoi je demande à mes camarades de changer encore une fois le nom de ce groupe, pour l’appeler “Egyptiens contre toutes les haines”.