Mémoire oubliée de l’immigration en France, les chibani sont ces migrants de la première heure qui n’ont jamais vraiment posé leur valise. Les uns ont toujours cru demeurer de façon provisoire loin du bled, le temps de se faire un petit pécule et rentrer retrouver femme et enfants. Les autres ont raté le train du regroupement familial et n’ont jamais pu ramener leur petite famille dans leur pays d’adoption. Il fallait malgré tout continuer à nourrir les siens restés au bled.



Les chibani vivent seuls et chichement depuis des années, pour la plupart dans des petites chambres d’hôtel ou dans des foyers Sonacotra. Longtemps oublié par les pouvoirs français, ils ont aussi fait les frais d’une indifférence de ceux-mêmes qui comme eux venaient de l’autre côté de la Méditerranée. Ni ici ni là-bas, nombreux attendent. En retraite ou en préretraite, ils sont malades, fatigués, las.

Selon les chiffres de l’Adoma (nouveau nom de la Sonacotra), 94 % des résidents sont des hommes et 51% sont originaires du Maghreb (Algérie, Tunisie, Maroc). En outre, on compte aujourd’hui plus de 20 % de résidents âgés de plus de 65 ans. Les chibani sont de plus en plus vieux.

Si aujourd’hui nous reparlons des chibani, c’est à la faveur d’un appel à la solidarité et au partage. Bachir, un vieux monsieur marocain, vit dans un foyer parisien. Bachir y passe ses soirées et ses nuits. Mais après le déjeuner, ce retraité doit quitter les lieux, car le foyer ferme ses portes jusqu’en début de soirée. Bachir, sans amis, se retrouve ainsi tous les après-midi seul, assis sur une chaise dans une station du métro parisien : soit Oberkampf soit Richard Lenoir (ligne 5).

Bachir n’a pas besoin d’argent. Bachir n’a besoin de rien, sinon d’avoir un peu de compagnie. Il aimerait pouvoir discuter, partager, échanger avec quelqu’un. Si vous êtes parisien ou si vous passez régulièrement par ces stations de métro, n’hésitez pas à vous arrêter quelques minutes pour saluer Bachir ou, mieux, pour un brin de causette. Vous rendrez un peu plus de dignité à un de ces trop nombreux chibani, oubliés de presque tous. Et si vous n’êtes pas parisien, faites passer quand même le message.

Merci pour Bachir.

trés joli message de solidarité et de mémoire à des hommes oubliés... Par contre je ne comprends pas pourquoi ces hommes, une fois à la retraite, ne rentre pas chez eux auprès de leur famille ?

c'est triste à dire mais ces hommes pensent peut ètre que le role de l'homme est de nourrir sa famille. donc pour lui, envoyer de l'argent régulièrement au bled à sa femme et ses enfants, puis rentrer au bled un mois par an pour les voir, fait partie de son rôle d'homme de la maison. c'est un choix qu'ils ont fait. les hommes maghrébins à l'époque laissait la tache éducative des enfants à la femme. travailler en france, loin d'eux ne leur posait peut ètre pas problème à lépoque. beaucoup ont pu ramener leur famille près d'eux. d'autres ont préféré se "décharger" de leur role éducatif en subvenant aux besoins de leur femme, de leurs enfants, voire de leurs parents (puisque la plupart du temps, c'est chez eux que la femme et les enfants vivent).
les années passent. il est vrai que cet argent les met à l'abri, et leur permet de vivre bien. mais ils ont perdu ce qu'il y a d'essentiel:passer les instants les plus merveilleux auprès de leur famille.

mon oncle qui habitait la région parisienne a choisi de vivre comme sa, ne voyant pas ses enfants grandir, ne passant qu'un mois par an auprès de sa femme. il vivait dans un foyer de travailleurs. il n'a mème pas atteind l'age de la retraite. il est mort loin de sa famille, d'un cancer généralisé. il n'a pas pu finir ses jours la bas, la maladie étant à un stade avancé et étant intransportable. la bas très loin dans un petit village en algérie, sa femme et ses enfants ont pleuré en silence, et ont attendu la fin et ont accueilli le cercueil de cet homme qui avait passé tant d'années loin de sa famille.
la douleur est intense. les chibani se résoudent à vivre seuls. souvent ils en ont pris l'habitude et une fois a la retraite, n'arrivent pas a aller vivre la bas, près de leur femme et leurs enfants. ces derniers ont grandi et nont connu de leur père que l'argent quil leur envoyait régulièrement. la situation est difficile autant pour eux que pour lui. ce sont des relations qu'il faut retisser.

ils me font de la peine ces chibani à la retraite qui errent dans les rues seuls ou entre eux. la tristesse se lit dans leur yeux, toutes ses années passées a travailler pour que leur famille ne manquent de rien. mais qu'ont ils gagné pour la plupart? une grande solitude. ils ne savent plus ce qu'est une vie de famille. les enfants ont grandi, se sont mariés pour certains, leur femme s'est lassé d'attendre chaque été le retour du mari, qui aussitot arrivé est déjà reparti.

certains arrivent à renouer des relations mise en supens en passant plus de temps la bas. d'autres n'ont peut ètre plus de famille aussi. chaque cas est différent mais quoiqu'il en soit la douleur de la solitude est la, l'impression dètre passé a coté de quelque chose sera toujours présent.

Avec mon mari nous en connaissons deux ou trois qui vivent ici à Nice et sont originaires de Douz. Nous les voyons régulièrement le dimanche au marché arabe de la cité Sonacotra, que l'on appelle significativement l'Oued. Ils passent leur journée aux environs de la cité, et sont toujours très heureux de pouvoir discuter quelques instants avec nous.

Voici bientôt trois ans, j'ai fait la connaissance de cette façon avec le père d'un ami de Douz. Il était retraité maçon, et rentrait deux ou trois mois par an en Tunisie. Les raisons évoquées étaient très simples, il n'avait jamais souhaité faire venir sa femme et ses enfants, malgré leur insistance, parce qu'il jugeait qu'ils n'avaient pas leur place ici, ne souhaitait pas voir ses enfants devenir comme ceux qu'il rencontrait dans les cités, qu'un logement descend n'était pas possible en France pour lui et sa petite famille, alors qu'en subvenant à leurs besoins en Tunisie avec ses revenus en France leur assurait une vie paisible et confortable, une éducation conforme à sa perception. Un choix réfléchit murement selon ses propres dires.

Il est décédé voici deux ans en France d'un cancer fulgurant et n'a pu finir ses jours sur le terre maghrébine que dans le cimetière de la ville.

Pour offrir à sa famille confort et aisance il a fait le sacrifice de vivre en France, de recevoir sa pension de retraité et de faire des petits boulots sur les marchés pour subvenir à ses propres besoins.

Je suis toujours très touchée par ces chibanis, j'en connait certain dans ma petite ville et ne manque jamais de prendre le temps de parler un petit peu avec eux. Comme vous l'avez si bien dit ils sont toujours très fiers de me dire qu'ils ont choisi de vivre comme ça pour que leurs familles restées au bled vivent le plus décemment possible.
Mais il reste cette tristesse dans leurs regards et là pas besoin de mot pour comprendre

J'ai un grand respect pour nos chibanis et j'espère que dans le métro parisien quelqu'un prendra le temps de s'arrêter quelques minutes pour parler avec Bachir

C'est bien triste ce que tu nous racontes là Sarah... Je n'habite plus la région parisienne, mais je suis très humaine (trop de l'avis de certaines personnes de mon entourage) et j'aurais volontiers été parler à ton ami Bachir surtout que la ligne 5 était la mienne...

Combien il y a de personnes dans ce cas là maghébins ou autre, c'est d'une tristesse de voir ça à notre époque...

Ici à Nantes, je n'ai pas remarqué ça, mais Nantes est une grande ville et je ne vais peut-être pas aux bons endroits, il y a malheureusement beaucoup de SDF mais je n'ai pas remarqué plus de maghrébins que d'européens...